ALERTE LITHOTAMNE (maërl)

Sujet: ALERTE LITHOTAMNE (maërl) Dim 13 Mar 2011 - 2:37

Citation :: Les bancs de maërls toujours menacés dans le monde...

Ces écosystèmes marins présents sur toute la planète, constituent un des réservoirs de biodiversité des plus riches, en particulier en Europe. A titre d'exemple, sur les côtes bretonnes, ce sont plus de 900 espèces d'invertébrés et 150 espèces d'algues qui ont été recensées dans ces bancs dont l'âge est estimé à plus de 8000 ans. Ils sont protégés depuis peu par leur classement en zone Natura 2000. Mais les menaces ne sont pas endiguées et les industriels se tournent désormais vers l'Islande, le Brésil et le Chili... Ces écosystèmes dynamiques sont des plus essentiels tant en matière de patrimoine que pour leurs rôles fonctionnels dans les équilibres planétaires.

Généralités et distribution géographique

Les bancs de maërls ont été malheureusement peu étudiés et restent encore très méconnus. « Le maërl est formé par des petites algues rouges possédant un squelette calcaire de la famille des Corallinacées. Il en existe de deux genres différents: le genre Lithothammium et le genre Phymatolithon. ».

Les bancs se forment de quelques mètres à 130 mètres de profondeur (Malte) sur parfois de grandes surfaces de plusieurs kilomètres le long des côtes. Les algues vivantes composant les bancs ont besoin d'eau relativement claires (activité photosynthétique) et préfèrent des courants assez limités. Les thalles (partie végétative) ne peuvent survivre à

une dessiccation prolongée (quelques minutes).

Comparables à des coraux, la partie vivante (thalles) se développe sur la partie morte à un rythme très lent, de l'ordre de 0,1 à 0,4 mm par an. Essentiellement en été. La reproduction sexuée semble avoir lieue tous les 6 ans. La présence de bancs n'est pas conditionnée par la température, ainsi ils se rencontrent aussi bien en mers tropicales qu'en mers arctiques.

En Europe, les zones les plus peuplées sont en Bretagne, en Galice, en Irlande, en Écosse et en Norvège. Dans le monde, le maërl est très abondant au Brésil, en Floride, en Californie, au Chili, en Mauritanie... plus connus sous le nom de bancs de rhodolites. D'autres bancs importants se retrouvent en Méditerranée (Malte, Alicante, Marseille,

Corse, Algérie, Maroc...) et en Mer Égée.

Les maërls sont considérés comme les végétaux marins les plus âgées d'Europe et comme l'une des plantes marine au taux de croissance le plus faible au monde. Leur colonies sont de véritables niches écologiques (nurserie pour de nombreuses espèces telles les coquilles St Jacques, pétoncles, palourdes, praires, ormeaux, bar, dorade, turbots, lieu, rouget, seiches...), et sont à la base d'un formidable réseau trophique (alimentaire). Les bancs de maërl constituent également une importante ressource de particules sédimentaires pour d'autres habitats marins en particulier les plages.

Les utilisations du maërl

Contenant une très forte concentration en calcium surtout, il est aussi très riche en magnésium et oligoéléments, pour ces raisons, le maërl est essentiellement utilisé pour la potabilisation et la dénitrification des eaux (en France 1200 stations d'épuration l'utilisent), ainsi qu'en décontamination des eaux radioactives.

Mais aussi en amendement agricole (surtout bio), en activateur de compost, désodorisant du lisier, en nutrition animale et dans le traitement des litières animales (chats compris), dans les étangs pour neutraliser l’acidification, l’envasement, et l’eutrophisation.

Le maërl est également utilisé en médecine pour traiter les carences minérales, prévenir l'ostéoporose, les implants de greffes en chirurgie osseuse, rectifier les acidités gastriques.

Certains produits en cosmétique utilisent le lithothamne. L'industrie alimentaire n'est pas en reste avec les laits

végétaux enrichis en calcium.

Il est également utilisé comme gravât dans les allées (parcs, jardins, cimetières...) et en animalerie (aquariums, cages oiseaux...).

Enfin, il peut être utilisé pour « sabler » les routes enneigées.

L'extraction existe depuis plus de cent ans mais c'est dans les années 1970, qu'elle est apparut industrielle avec l'utilisation de navires spécialisés. Ce qui engendra (et continue d'engendrer) la disparition totale de l'habitat maërl. Entre 1970 et 1980 plusieurs bancs en Baie de St Malo et de St Brieuc ont été ainsi totalement anéantis.

Ce qui détruit les bancs de maërl

Les principaux responsables sont l'extraction, les effluents urbains, la modification du littoral, les espèces invasives, la pêche aux engins trainants et l'aquaculture. Notons également que d'autres paramètres aggravent la situation comme l'acidification, l'appauvrissement des océans et les dérèglements environnementaux (climats, cycles...).

L'extraction, la pêche à la drague (engin trainant) génèrent un enfouissement des bancs ou une homogénéisation des thalles (un peu comme un gazon fraichement tondu).Les bancs sont donc détruits ou fortement abimés. Les suceuses (dragues aspiratrices) pompent les granulats calcaires mélangés à des particules fines. Les brins de maërl tombent au fond de la cale tandis que les particules fines sont évacuées, générant ainsi un nuage de sédiments fins interdisant toute photosynthèse jusqu'à 2 km autour des zones d'extractions. Les zones contaminées par le plancton toxique sont également remontées et brassées empoisonnant toute la vie environnante.

Les espèces invasives sont représentées essentiellement par le Crepidula fornicata (gastéropode) introduit par l'ostréiculture vers 1940. Les crépidules recouvrent les thalles de maërl vivant. L'huitre du Pacifique, Crassostrea gigas importée d'Asie pour l'élevage est en train d'envahir toutes les côtes. Le propre de ces invasions est l'absence de prédateurs.

L'aquaculture et la mytiliculture (élevage de moules) représentent une menace grandissante. Les cages de truites de mer déposées sur un banc de maërl causent au bout de 6 mois un déséquilibre du peuplement dû aux dépôts d’os de poissons, de matières fécales et des granules alimentaires. C'est l'eutrophisation du milieu (apport excessif de

substances nutritives).

La modification du littoral est due à la construction de barrages et de ports de plaisance, ainsi qu'à emménagement de plages. Ces modifications ont pour c***équence l'envasement, l'ensablement et la pollution des milieux aquatiques.

L'acidification des océans pose des problèmes de calcification des algues ce qui pourrait entraîner la disparition des bancs à terme.

Les dérèglements environnementaux et climatiques entrainent d'importants déplacements d'espèces provoquant ainsi des bouleversements dans les communautés vivants au sein du maërl.

Les effluents urbains et agricoles provoquent la pollution, l'eutrophisation et l'envasement des bancs et ainsi la destruction de leur biodiversité.

Récemment, en France, les bancs de maërl sont un peu mieux protégés. Il faut désormais trouver des substitutions, surtout en matière de traitement des eaux.

Des pistes pour remplacer le lithothamne

Les extractions seront totalement interdites en Bretagne dans l'Archipel des Glénan par arrêté préfectoral émanent du Finistère en 2011. Ces biotopes exceptionnels sont également inscrit dans la directive européenne « Directive habitat » sur la liste des habitats d’intérêt communautaire et stipule les deux espèces qui peuvent constituer des bancs de maërl ne devraient pas être exploitées.

Traitement de l'eau

Sont envisagés comme substituts, les sédiments calcaires marins ou les coquilles de mollusques marins broyés, comme la crépidule (ce qui de plus, pourrait ralentir voir enrayer son invasion). Comme matériau filtrant pour l'eau il est aussi envisagé d'utiliser un calcaire d’origine terrestre (marbre, dolomies...) ou produit de synthèse (à partir de chaux vive). Pour les eaux trop douces, il existe un système de neutralisation de l’eau par l’air (Aquaneutra). L’eau traverse des bacs équipés de crépines en céramique dégageant de très fines bulles d’air filtré. En remontant, celles-ci retirent l’excès de CO2.

Amendement calcaire et litière

Il existe un matériau de haute valeur agronomique appelé BRF (Bois Raméal Fragmenté) utilisé pour cultiver et comme litière animale. Il s'agit du broyât de branches de feuillus (angiospermes) fraiches et vertes. Les modalités d'applications varient suivant les sols et utilisations. Les BRF entre autre, font chuter l'acidité des sols. Mélangé au lisier il fait

disparaître les odeurs, utilisé en litière, son action est la même en plus d'inhiber la formation de larves de mouches.

Substitut alimentaire

Un régime alimentaire plus équilibrée, moins sucré, salé et gras, riche en légumes et en fruits (les végétaux particulièrement riches en calcium sont les brocolis, fanes de navets, amandes, sésame...)

Agir vite

Outre la disparition totale d'un milieu incroyablement riche en biodiversité et en fonctions écologiques dans les équilibres et réseaux alimentaires, les prélèvements induisent l'érosion des sols du littoral. En effet, il a été constaté que la dune de l’île de Saint Nicolas des Glénan recule de 3 à 4 mètres par an ! Il semblerai que la disparition des bancs puisse

entraîner une modification locale des courants susceptible de provoquer le recul de certaines dunes de sable.

Il convient de trouver des alternatives à toutes les utilisations du lithothamne afin de préserver ce patrimoine vital aux équilibres. Les industries continuent d'utiliser ce matériau pourtant si précieux et si peu renouvelable. Il est totalement incohérent et inacceptable de trouver dans le commerce bio et « pseudo écolo » une quantité énorme de produits à base de cette si ancienne algue de vie. Lisez bien les étiquettes et préférez des produits alternatifs afin de réellement préserver l'environnement.

A l'instar des tourbières (dont l'extraction détruit le patrimoine génétique et diffuse des quantités énorme de CO2 dans l'atmosphère) et des sols en général, il devient extrêmement urgent de mieux préserver ces milieux. D'autant plus que l'industrie compte désormais se fournir en Islande, au Brésil et au Chili. Agissons, informons et changeons nos habitudes, afin que demain, ce monde soit encore vivable pour tous.

Eléa Asselineau, Avril 2010.

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